PLATEFORME MARIAGE PRECOCE

La Covid-19 exacerbe le mariage des enfants », Victoire WOROU, Assistante programme WiLDAF-AO

En Afrique de l’Ouest, le bureau régional de Women in Law and Development in Africa (WILDAF), en français: Femmes, Droit et Développement en Afrique, est connu pour son combat pour la défense des droits des femmes. Dans ce sens, l’organisation s’est investie de plusieurs missions dont la lutte contre le mariage des enfants, un phénomène qui malgré des efforts multiformes continue de faire des victimes. A cet effet, WiLDAF Afrique de l’Ouest et ses partenaires ont initié un projet dénommé « Programme de Renforcement des capacités des Organisations de la société civile et des réseaux de jeunes au Sahel pour protéger les enfants en situation de Mobilité et mettre fin au mariage d’Enfants (PROS/ME) ». Une partie de ce programme est consacrée à la sensibilisation à travers une bande dessinée er intitulée « Mariées trop tôt ». Du 1 au 6 septembre des clubs de lecture virtuelle organisés sur les réseaux ont permis à plusieurs jeunes de la sous-région de comprendre un peu plus cette problématique. Dans cette interview exclusive, Mme Victoire WOROU, Assistante programme WiLDAF-AO, nous fait le bilan cette activité. Et selon elle, la crise sanitaire a contribué à accentuer le mariage des enfants.

 

Dans le cadre de vos actions de sensibilisation contre le mariage des enfants, vous avez élaboré une bande dessinée. La bande dessinée se situe dans la droite ligne du programme de renforcement des capacités des organisations de la société civile et des réseaux de jeunes au sahel pour protéger les enfants en situation de mobilité et mettre fin au mariage d’enfants (pros/me) mise en oeuvre en partenariat avec Save the Children et avec l’appui financier de DANIDA et dans le cadre du Projet « Améliorer la capacité des jeunes actrices engagées pour l’éradication des mariages d’enfants en Afrique de l’Ouest », avec le soutien du Fonds pour le Développement de la Femme Africaine (AWDF). Ces deux programmes s’inscrivent dans un objectif de lutte contre les mariages d’enfants à travers la sensibilisation pour le changement des normes sociales qui influent négativement sur la pratique.

 

Parlez-nous un peu de cet outil?

Cette bande dessinée est une matérialisation de notre volonté de freiner le phénomène des mariages d’enfants à travers une prise de conscience qui amènera au changement des normes sociales qui favorisent la pratique.

Avec un côté à la fois ludique et amusant, cette bande dessinée informe, éduque et communique sur cette pratique traditionnelle néfaste en oubliant pas de préciser l’aspect des violences basées sur le genre qu’elle revêt au regard des instruments internationaux et nationaux que les Etats africains ont ratifiés.

Mariées trop tôt“ est un outil accessible et convivial destiné prioritairement aux enfants, au corps enseignant, ensuite aux parents, bref toutes les catégories sociales permettant de faciliter les sensibilisations sur les mariages d’enfants dans les milieux éducatifs pour le changement des normes sociales qui influencent négativement ce phénomène.

 

Le COVID-19 intervient de manière transversale à l’histoire relatée dans cette bande dessinée en ce sens où cette pandémie à travers les mesures barrières imposées par les Etats exacerbe les violences basées sur le genre. Enfin, une petite fenêtre est ouverte sur les mesures préventives dans la lutte contre le COVID-19 et la protection de la jeune fille.

 

Pour vulgariser les messages contenus dans cette bande dessinée, vous avez organisé récemment des clubs virtuels de lecture. De quoi s’agit-il ? Et quels sont vos objectifs en prenant une telle initiative ?

Les clubs virtuels de lecture sont des groupes Whasapp (4 en tout) créés que beaucoup de jeunes ont intégrés afin de lire la bande dessinée et d’être sensibilisés sur les mariages d’enfants.

L’objectif général poursuivi à travers ces clubs virtuels de lecture est de sensibiliser le milieu éducatif sur les droits des enfants et les conséquences des mariages d’enfants en Afrique de l’Ouest.

De manière spécifique, il s’agissait de :

  • Discuter autour du sujet sur lequel porte la bande dessinée (les conséquences des mariages d’enfants);
  • Informer les jeunes filles sur leurs droits et leur légitimité d’en jouir;
  • Recueillir les appréciations des jeunes et des lecteurs sur de la bande dessinée;
  • Collecter les apprentissages des jeunes et des lecteurs sur la bande dessinée;
  • Provoquer une prise de conscience chez toutes les catégories sociales pour amener à un changement des normes sociales;
  • Recueillir des messages clefs à adresser aux décideurs.

 

Comment s’est déroulée cette activité ?

Les groupes de lectures seront animés par des professionnels de club de lecture qui s’appuieront sur des ambassadrices : Girls Motion

Les activités ont consisté en des lectures journalières des pages de la bande dessinée sur une période de cinq jours. La bande dessinée a été subdivisée en 5 parties en fonction d’une idée générale à retenir en rapport aux objectifs spécifiques à atteindre. A la fin de chaque journée, un résumé de la journée et l’idée générale afférentes seront diffusées dans les groupes. Chaque fin de journée a été sanctionnée par des quizz qui ont amené les participants à l’attention et à la réflexion. A la fin des 5 jours, les participant(e)s ont passé un quiz en guise d’évaluation sur les sujets évoqués dans la BD.

 

A la fin, pensez-vous que vos objectifs aient été atteints ? Quelle sera la suite ?

Nous pensons que nos objectifs ont été atteints au regard de la participation des jeunes. En ce qui concerne les adultes, l’implication dans l’activité a été relativement faible. Mais nous pensons que ce travail est la continuité d’un travail que beaucoup d’autres acteurs dans le domaine du développement font déjà et que nos actions viennent le renforcer. Quant aux jeunes, ils constituent la relève et les éduquer à comprendre que le mariage des enfants est une pratique néfaste contribue à avoir une nouvelle génération avec des idées de développement durable meilleures.

 

Aujourd’hui, quelle est votre analyse globale du phénomène des mariages d’enfants.

Le mariage des enfants constitue une pratique traditionnelle néfaste qui entrave l’avenir de nos filles et beaucoup d’acteurs sont engagés dans le domaine afin d’y mettre fin. La lutte doit continuer surtout dans les pays du sahel qui sont très conservateurs. Les actions pour abandonner le phénomène doivent s’amplifier pour amener à des changements de comportements. Aussi, notons que dans les autres pays de l’Afrique de l’Ouest, il subsiste des poches où la pratique existe. Il importe donc pour les acteurs qui sont dans le domaine de coordonner les actions afin d’en venir à bout.

 

Peut-on dire que la crise sanitaire actuelle, avec ses conséquences socioéconomiques , va encore accentuer le phénomène ?

Oui, au regard de l’actualité sociale, on peut constater que la crise sanitaire causée par la

COVID-19 exacerbe le mariage des enfants à cause de la pauvreté qu’elle a occasionnée.

Etant donné que l’une des raisons cachées du mariage des enfants est la production des richesses, les communautés conservatrices marient encore plus leurs enfants à un très jeune âge. Non seulement les filles sont exposées à un mariage d’enfants mais également à

d’autres formes de violences basées sur le genre surtout que

les écoles sont fermées.

 

Un dernier mot à l’endroit des populations à risque…

Unissons tous nos efforts en disant non aux mariages des enfants et en créant une communauté plus sécurisante pour nos filles, et ainsi leur assurer un avenir meilleur.

J’adresse également un mot à l’endroit des décideurs afin que les cadres juridiques soient plus protecteurs des filles.

 

La Rédaction

 

Source : SOCIAL INFOS N°048 # DU 24 SEPTEMBRE AU 07 OCTOBRE 2020

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